La vape et la sécurité des accus
C’est un sujet maintes fois abordé, mais qui est toujours sujet à discussion. Cette semaine, on apprenait l’histoire d’un texan à qui une nouvelle mésaventure est arrivée, BreakingVap relate une partie des faits, mais concrètement, il faut bien avouer qu’on n’y comprend pas grand chose. Nous allons y revenir un peu plus loin, ce après avoir rappelé certaines règles, certaines de bon sens, d’autres un peu plus techniques, ainsi qu’une réalité du marché assez peu glorieuse.
Les accus pour la vape
Il ne vous aura pas échappé que dans la vape, on n’utilise pas de piles Duracell. On utilise des accus, donc rechargeables, adaptés à une utilisation très particulière. Ils sont dotés d’une chimie stable, incluant généralement du manganèse. Le nom générique sous lequel nous connaissons ce type d’accus est « IMR ». Ces accus sont ceux que nous utilisons car en plus d’avoir une chimie stable qui leur évite d’exploser en cas de surchauffe ou de court-circuit, ils offrent une importante décharge, mesurée en Ampères (A).
Plus les résistances, mesurée en ohm (Ω), seront basses, plus il est important de s’assurer que nos accus tiennent une importante décharge en Ampères (A).
On parle de décharge continue (valeur en Ampère qu’un accu pourra délivrer en continue), et de décharge en pulse (valeur maximale que l’accu pourra délivrer pendant un temps donné, en secondes). Attention, pour un même accu, ces valeurs varient du simple au triple, et comme ces accus, non protégés, ne sont initialement pas destinés à une utilisation grand public, aucune norme d’étiquetage est en vigueur. Certaines marques affichent sur l’étiquette une valeur en continue, d’autres en pulse, quand elles ne mixent pas allègrement les deux d’une série à l’autre.
Une autre mauvaise pratique usuelle est d’afficher pour un accu une valeur donnée pour du pulse sans référentiel de durée.
Si un accu peut par exemple délivrer du 35A en continue, il doit pouvoir en toute logique délivrer du 40 A en pulse, pendant 3 ou 4 secondes. Mais si la valeur indiquée sur l’étiquette est la valeur en pulse, nous n’avons sur l’étiquetage aucune indication qui nous met en garde de ne pas lui demander d’envoyer du 50 A pendant 3 secondes.
C’est notamment ce que nous avions reproché à Efest, et depuis, ce dernier affiche sur les étiquettes de ses accus les valeurs de décharge en continue et en pulse sur ses accus.
Question ouverte
Peut-on sérieusement normaliser du matériel sans normaliser les accus ?
Cette question est très sérieuse car les problèmes posés, comme nous allons le voir un peu plus loin, sont particulièrement complexes à résoudre étant donné que nos accus sont dans la majorité des cas distribués par des sociétés qui n’observent aucune règle de « best practices » en terme d’étiquetage ou de traçabilité… les deux mamelles d’une normalisation.
Comment reconnait-on un bon accu d’un mauvais accu ?
Rassurez vous, il est généralement plus simple de reconnaître un bon accu d’un mauvais accu qu’un bon chasseur d’un mauvais chasseur. Le mauvais accu, quand il prend un coup de chaud, il explose, le bon accu quand il prend un coup de chaud, il dégaze. Mais vous devriez vous en rendre compte sans en arriver là, nous allons voir comment.
« J’ai pas envie de tester un dégazage, comment je fais ? »
Un bon accu adapté à la vape, tout particulièrement sur un mod mécanique ou sur un mod délivrant des puissances importantes (au dessus de 15 ou 20 w), est un accu à chimie stable avec une décharge importante. Ce critère, c’est celui de la sécurité, vous pouvez donc faire l’impasse sur les autres, mais pas sur celui-ci.
Quand vous essayez vos accus pour la première fois, même si vous pensez les connaître et que la marque est réputée de confiance, testez les progressivement, par exemple avec une résistance à 0.8 ohm, puis descendez progressivement. Observez le comportement et surtout la chauffe de l’accu
On se fixera comme critère secondaire l’autonomie. Cette dernière, affichée en mAh, fait elle aussi l’objet d’un affichage farfelu chez certaines marques…
Quand le nom de l’accu commence ou termine par « fire », passez votre chemin, c’est de la merde.
Les « fabricants »
L’identification et la traçabilité des accus sont de vrais problèmes. Il faut déjà savoir que le fabricant est rarement le nom qui se trouve mentionné sur l’étiquette ou l’emballage. La majorité des cellules des accus que nous utilisons provient d’usines localisées à Taiwan et en Chine. Contrairement à la croyance populaire, les VTC4 estampillées « Sony » ne sont donc pas fabriqués au Japon et ce ne sont d’ailleurs même pas des Sony. Sony a bien fait produire par des tiers des cellules sous la dénomination « Konion » pour équiper par exemple ses batteries d’ordinateurs portables, mais c’était à l’époque des VTC3. Tous les accus VTC4 et VTC5 estampillés Sony exploitent donc cette marque illégalement… Dur dans ces conditions de définir une contrefaçon de ces deux modèles attendu que les « originaux » contrefont eux-mêmes la marque Sony.
Des entreprises achètent par milliers des cellules pour y apposer leur étiquette et leur attribuer, pour les plus sérieuses, des performances en fonction de leurs spécifications et de leurs tests (quand elles se donnent le mal de faire des tests, mais assez curieusement on ne voit pas souvent de publication protocole de tests de leur part). Pour les entreprises les moins sérieuses, l’étiquetage se fera par un type bourré à la TsingTao dans la cuisine d’un appartement de Shenzhen…
Les accus sont donc une véritable jungle qui navigue entre :
- réétiquetage sauvage de cellules de bonne qualité (Efest, EH, AW, MXJO…) ;
- usurpation de marque (c’est le cas pour les Sony VTC4 et VTC5 qui ne sont pas des Sony, ou encore les MNKE 18650 qui ne sont plus produits depuis plusieurs années mais que l’on trouve toujours dans certaines boutiques « high end » vendus comme des accus « originaux MNKE ») ;
- copies dangereuses comme il est légion d’en trouver sur des sites web comme Ebay, ou malheureusement, dans certaines boutiques spécialisées.
L’opacité de ce marché permet à certaines marques de vendre une même cellule à un prix public variant du simple au quintuple(!) en fonction de son étiquette. Un accu estampillé d’une marque X commercialisé 15 euros en boutique peut cacher sous son étiquette une cellule Y que l’on trouve sur Internet à 3,50€. Concrètement, ce sont exactement les mêmes cellules, avec les mêmes performances, mais avec une étiquette différente.
Règles d’usage et de réduction des risques
Nous venons de voir que nous ne pouvons donc pas nous fier à ce qui est indiqué sur les étiquettes. La bonne pratique étant de tester progressivement ses accus. Pour réduire les risques, on recommande évidemment l’utilisation d’accus à forte décharge et à la chimie stable de type « IMR », même si ces derniers ne sont pas toujours estampillés « IMR », il existe plusieurs chimies stables.
Voici quelques autres règles :
- on choisira une boutique spécialisée de confiance, que ce soit une boutique en ligne ou une boutique physique, mais de préférence dont la réputation n’est plus à faire. On les reconnait généralement au matériel qu’elles vendent et au discours du vendeur. Si un vendeur ne vous parle _que_ d’autonomie sans parler performances en terme de décharge, changez de boutique ! Particulièrement si vous lui expliquez que vous allez utiliser ces accus sur un mod mécanique ou une box non régulée ;
- n’achetez pas vos accus sur Ebay !
- n’achetez pas d’accu avec un nom commençant ou se terminant par « fire » !
- demandez conseil et informez vous, il existe des sites web qui testent les cellules et qui sont capables de vous aiguiller sur un bon choix pour l’utilisation que vous allez en faire. Les forums et autres groupes Facebook pourront vous indiquer des magasins de confiance ;
- transportez toujours vos accus dans une boîte de protection, ne les jetez jamais dans le fond d’un sac ou dans une poche, un simple contact malencontreux avec du métal peut provoquer des accidents graves entraînant des dommages matériels et corporels ;
- quand le plastique de protection est endommagé, rewrappez vos accus ou changez les si vous ne savez pas comment faire ;
- pour un format donné plus la capacité en mAh d’un accu est importante, moins sa décharge peut l’être. Soyez donc attentif à la cohérence, si vous trouvez des accus IMR au format 18650, d’une capacité de 3800 mAh donnés pour 50 A, c’est qu’il y a probablement un problème quelque part ;
- plus un accu est petit, plus sa décharge et sa capacité sont faibles, évitez donc les 18350 pour de la très basse résistance, c’est généralement une très mauvaise idée, elles ne le supporteront pas ;
- pour une utilisation dans une box avec plusieurs accus, utilisez les mêmes accus, de la même marque, avec un nombre de cycles de charge et décharge à peu prêt équivalent ;
- ne stackez (n’empilez) pas des accus dans un mod mécanique à moins d’être parfaitement conscient de ce que vous faites. 2 accus en série dans un mod vous délivrent 8,4 v mais pour l’ampérage d’un seul accu. 2 accus en parallèle dans une box délivrent le double de leur ampérage respectif pour une tension maximum de 4,2 v ;
- testez toujours vos résistances avec un ohmmètre avant de visser l’atomiseur sur votre mod ;
- si votre mod est équipé d’un top cap hybride (sans pin), assurez vous que le pin de votre atomiseur ressorte correctement du connecteur, sinon, c’est le court-circuit ;
- utilisez toujours un mod ou une box pourvu de trous de dégazage, en cas d’absence, le dégazage d’un accu pourtant excellent pourrait conduire à une explosion de votre matériel.
Informez et formez les autres, ne laissez pas de place au doute
Une vape responsable, c’est aussi aider les nouveaux utilisateurs et leur donner les bons réflexes. Ces bons réflexes sont ceux de la curiosité, de la prudence, et du bon sens. Si vous n’avez rien appris en lisant ces quelques lignes, alors il est de votre devoir de consacrer un peu de temps à aider et conseiller de nouveaux arrivants dans la vape.
Ceci passe souvent par lutter contre les idées reçues, les accus étant la chose la plus compliquée et dangereuse dans nos habitudes de vape, il convient de toujours rester sur ses gardes et ne pas boire benoîtement ce qu’on vous raconte dessus. Donnez-vous les moyens de vérifier.
Quand vous lisez dans la presse qu’un accu à « explosé », regardez toujours à deux fois la nature de l’accu pour donner la bonne information. Ce qui va me faire revenir sur l’article de BreakingVap qui relate les termes exacts employés par un média non spécialisé, The Blaze qui parle d’une « explosion » alors que l’accu en question à dégazé. La photo de l’accu après l’incident montre que ce dernier est noirci suite à la fonte du plastique qui a brûlé autour de la cellule, mais la cellule a bien conservé sa forme cylindrique et entière… La traduction littérale de cet article reprend l’erreur initiale de The Blaze, on voit alors des réactions un peu surréalistes sur les réseaux sociaux invitant certains commentateurs à affirmer que l’accu est une copie… Sauf que si c’était une dangereuse copie, cet accu aurait probablement explosé et non dégazé, entraînant des blessures corporelles bien plus graves qu’une brulure, le problème se situe probablement ailleurs.
L’information passe donc par l’utilisation de termes précis, nous avons également le devoir d’informer les médias qu’un accu dédié à la vape n’explose pas, et que si cette aventure malencontreuse est arrivée à cet américain, c’est qu’il y a de grandes chances qu’il n’ait pas respecté l’une des règles de sécurité que nous avons ici évoqué.